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Epic planifie également la sortie d'un second LP. Ils n'ont pas vraiment besoin d'attendre du nouveau matériel, puisque il y a largement de quoi faire avec ce qui existe déjà. Publié en novembre 65, il aura pour titre "Having A Rave Up With The Yardbirds". En face A nous trouvons, "Mr You're A Better Man Than I", "Evil Hearted You", "I'm A Man" (studio), Still I'm Sad". "Heart Full Of Soul". "The Train Kept A Rollin'", rien que de l'indispensable. Comme l'album "Five Live Yardbirds" n'a pas été édité sur le marché américain, il nous en offre un extrait en face B avec "Smokestack Lightnin", "Respectable", "I'm A Man" (live), "Here 'Tis". A noter que dans cette face les titres sont publiées à leur juste vitesse, car ils étaient un peu accélérées dans l'édition originale pour des raisons techniques. En terme d'albums, ce dernier sera le plus titré au niveau succès, toujours vu sous l'angle américain. Il passera huit mois dans les hits et culminera en 53 ème position, ce qui représente des ventes assez conséquentes. Il aura un pendant allemand, réplique exacte; une édition canadienne, mêmes titres, pochette différente; une édition export pressée en Angleterre. Pendant que ces événements se déroulent ou vont se dérouler ici et là, les Yardbirds sont retournés en studio dans l'intention de mettre au point un LP durant les mois d'octobre et novembre. De ces sessions il ne sortira que du matériel brut et démos dont une partie sera exploitée plus tard pour l'album "Roger The Enginer". De même certains titres seront seulement publiés la décénie suivante dans leur état primitif. Deux titres figurent en version vocale et instrumentale. "What Do You Want" et "Here 'Tis". Dans ce dernier le version vocale est renommée "For RSG" qui sont les initiales de la fameuse émission "Ready Steady Go", justement destinée à une apparition dans ce show. Le titre en lui-même n'est pas nouveau, il figurait déjà sur l'album live. Mais ici les interprétations sont beaucoup plus dans l'air du temps et l'on peut sentir que Jeff Beck s'amuse bien en faisant un étalage de sont talent. Les reste d'ailleurs n'est pas ridicule, "Jeff Blues", "Like Jimmy Reed Again", "Chris Number" figurent honorablement dans ce menu, au goût volontaireemnt inachevé. Pour la fin de l'année, les Yardbirds seront aux Etats-Unis, cette fois tout à fait officiellement. Ce sont des apparitions comme il s'en fait beaucoup à l'époque, c'est à dire qu'ils ne sont pas seuls, mais inclus dans un affiche de stars qui parcourent le pays. L'événement majeur de ce séjour ne sera pas un concert mémorable, mais bien un nouveau séjour dans les studios Chess à Chicago. La date fait toujours l'objet d'une contreverse, certains affirment que cette session a eu lieu pendant le précédent séjour. Mais elle n'a pas une grande importance, seul le résultat compte et il existe de belle manière. Un des grandes difficultés, depuis qu'ils sont connus et même avant, a toujours été de mettre en forme dans les studios de ce qu'ils sont capables sur scène. Avec la venue de Beck, le problème est en partie résolu, mais le potentiel progressif du groupe ne s'est pas exprimé pleinement dans une de ces petites galettes de cire qu'on appelle microsillon. A part "Still I'm Sad", les succès sont l'apport de compositeurs extérieurs. Cette fois-ci, il vont mettre en forme un titre qui ne doit rien à personne sauf au groupe, "Shapes Of Things". Ce titre va en fait les mettre sur la voie de la réussite qu'ils espéraient. Ce n'est pas en retard sur l'époque, mais plutôt bien en avance. Si l'on pouvait considérer les hits précédents comme étant de la musique commerciale cuvée supérieure, l'étiquette de musique progressive lui convient parfaitement. Ce n'est pas une chanson facile dans sa conception, mais tout y est merveilleux, le vocal, la guitare fuzz-tone de Beck, le son, les paroles qui sont un témoignage de ce que les adolescents pouvaient penser du monde qui les entoure en pleine révolution des idées. Historiquement ce disque est une charnière dans la carrière du groupe. Tout d'abord il va les conforter dans l'idée qu'ils sont capables de produire du matériel qui les expose comme des créateurs à part entière. Non seulement ils créent, mais ils innovent et de belle manière. Ils est bien clair qu'à partir de là, les fans vont devenir plus exigeants pour la suite, mais ils vont rallier un nouveau public et sans doute en perdre une partie de l'ancien. Tout en restant accessible commercialement, il demande une écoute plus attentive pour se plonger dans les délices offerts par cette tonitruante production. Le single va sortir au mois de février de l'année suivante, nous y reviendrons, mais il y a encore des événements qui vont survenir, et qui sont à contre-pied de ce que le groupe espère pour l'avenir. |
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Tout d'abord, ils enregistrent "New York City Blues", qui n'est pas sans rappeler le "Five Long Years" qu'ils empruntèrent à Eddie Boyd pour l'inclure sur leur premier albun en public. C'est un blues lent, qui prouve que les racines du début sont toujours bien présentes. Même si ce titre manque sans doute un peu d'originalité, il n'était pas desiné à figurer comme face principale sur un futur 45 tours. C'est juste un instant de loisirs pour tous, sans doute. Comparé à ce qui va suivre, on peut l'interpréter comme cela. Giorgio Gomelsky, fut jusqu'à présent un producteur que l'on pourrait qualifier d'avisé. Tout en protégeant ses intérêts, il a mené ses poulains à la gloire et a réussi à faire d'eux des candidats à la légende des sixties, dans ce qu'elle a de plus durable.
Le producteur a dans l'idée d'enregistrer un disque pour le marché italien. Il est en effet assez courant que des artistes interprètent dans une autre langue, les hits dont ils peuvent se féliciter. Ce travail est le moyen de faire entrer des royalties et de concurrencer les nombreuses adaptations en langue nationale des hits anglais ou américains, par des artistes divers. La plupart des interprètes de cette époque ont joué le jeu, Beatles, Rolling Stones, Searchers, ou avant eux, Paul Anka, Neil Sedaka, Chubby Checker. Très souvent ce sont l'Allemagne et l'Italie et parfois la France qui sont visés. Ces pays sont en effet très porteurs et ont un marché potentiel assez vaste. L'Italie est même un fournisseur de chansons pour les pays anglophones. Pas mal de hits des sixties sont des chansons d'origine italienne, ne serait-ce que le méga tube de Presley "It's Now Or Never", vieille chanson napolitaine. Gomelsky fait appel à des compositeurs italiens qui pondent deux chansons, "Questa Volta" et "Pafff …Bum". Dans un studio de San Francisco, ils découvrent et tentent de mettre en forme les chansons, la première chantée en italien par les bons soins de Keith Relf et la seconde en anglais via une transcription de Paul Samwell-Smith. Dire que Beck est outré par "Questa Volta" est un minimum. Il refuse carrément de participer à l'enregistrement, donnant du travail à Chris Dreja, qui devient soliste pour l'occasion. Il est vrai que cette chanson ne fait pas honneur à l'image que les Yardbirds veulent désormais donner d'eux musicalement. Un peu mieux "Pafff…Bum", enregistré en deux versions, est juste ce qu'il faut pour une face B, qui ne veut pas occulter la face principale. Les plans de Gomelsky vont encore plus loin, il se fixe sur l'Italie et veut faire et fait participer ses poulains au fameux festival de San Remo, dans la ville du même non. Ce festival est un haut lieu de la canzonetta italienne est un passage obligé pour les vedettes italiennes, voire étrangères. Le réglement est spécial, il permet à une chanson, d'être présentée par deux artistes différents, pour autant que l'Italien soie la langue d'interprétation. Très souvent, c'est une vedette étrangère qui sert de second couteau. Cette anée là, début 66, nous trouvons parmi les compétiteurs étrangers, les Surfs, Vic Dana, Bobby Vinton, Gene Pitney, Pat Boone, P.J. Propy, Richard Anthony, Françoise Hardy, les Renegades. Les Yardbirds y figurent deux fois. Pour "Questa Volta", ils sont les pendants de Bobby Solo et pour "Pafff…Bum", ceux de Lucio Dalla. Le concours se déroule en deux manches. La première est une sélection pour la partie la plus en vue, c'est à dire la finale, dont le vainquer remporte la palme d'or et devient souvent sélection nationale pour l'Eurovision. Les deux titres liés aux Yardbirds ne se classent pas pour la finale, remportée par Domenico Modugno, lui qui fut un des rares italiens à se classer dans les charts US avec "Volare" en 1958. Malgré tout le festival donne aux vaincus un bonne exposition sur le marché italien. Les deux chansons firent l'objet d'un single des Yardbirds, typiquement italien. Mais ce fut surtout la version de Bobby Solo, par ailleurs collègue d'écurie avec le jeu des licences, qui vit sa chanson faire une apparition dans les hits du pays. Pour les Yardbirds, rien ou presque, si ce n'est le douteux plaisir d'avoir participé à cette mascarade. Ce sera le trop plein de vapeur qui va faire exploser la marmite entre le groupe et le producteur dans pas longtemps.
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