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Maintenant qu'ils sont lancés et possèdent une certaine valeur marchande, on leur propose plus facilement du matériel original. Dans les nombreuses connexions qu'ils ont avec Manfred Mann, la première comme producteur, le chanteur Paul Jones propose un de ses titres, "The One On The Middle". C'est une sorte de présentation des membres de l'orchestre, la chanteur étant le point central. Jugé trop centré sur sa personne, Relf refuse le titre. Il sera finalement remodelé, enregistré par Manfred Mann et mis sur un EP qui aura un gros succès. Mike Hugg, le batteur, a également composé un titre avec son frère Brian, "Mr You're A Better Man Than I". Cette fois-ci, les Yardbirds le mettent de côté et l'enregistreront par la suite. Il deviendra mème un incontournable dans leur discographie.
Pendant l'été 65, ils travaillent sur le prochain single. C'est encore une fois Graham Gouldman qui amène une de ses compositions magiques, "Evil Hearted You", sa troisième collaboration. Le thème est à nouveau une de ces histoires d'amours amères, chères au compositeur. C'est peut-être la plus noire des trois. Il est une nouvelle fois interprété magistralement, l'ambiance est glauque, le soli de Beck larmoyant, la voix de Relf souffle comme un mauvais vent. Il n'est en rien comparable aux précédents dans le style, il ne reprend aucun cliché, aucun air de déjà vu. On pourrait s'extasier longtemps sur ce titre, si l'autre face allait nous prouver une fois de plus que leur capacité créatrice est en pleine expension. Jim Mc Carty et Paul Samwell-Smith ont dans l'idée de travailler sur un chant grégorien. Dans le contexte juvénile de l'époque, tout ce qui pourrait toucher la musique classique ou religieuse semblant de la parfaite ringardise, il vont oser franchir le pas. Ils mettent en boite "Still I'm Sad", un air dévié de "The Lion Sleeps Tonight", mais dans une ambiance musique religieuse beaucoup plus marquée. Les voies basses des choeurs, auquels participe Gomelsky, la voie plaintive de Relf sont une merveille de tristesse et et de mélancolie. La mise au point des choeurs a, parait-il, été mise au point dans les toilettes, pour l'effet d'écho. Sur bien des points ce titre est une innovation. C'est bien la première fois que la musique religieuse gagne un auditoire et passe, en toute quiétude, sur les radios branchées jeunes. C'est aussi un exemple de ce que l'on appellera par la suite, de la musique planante. Il ouvrira la voie à toute une suite de petites messes modernes beat ou pop destinées à cette belle jeunesse rebelle des sixties. L'exemple le plus célèbre est la "Mass In F Minor" enregistré par les Electric Prunes, deux ans plus tard. L'original, lui aussi connut une série de reprises. La première, et sans doute la plus inattendue, fut l'adaptation en France par les Compagnons de la Chanson de ce lamento sous le titre "Les Corbeaux De L'hiver". Il faut admettre qu'elle est bien réussie et vocalement très classe. Manfred Mann l'exploite en instrumental sur son EP "Instrumental Asylum", dans une version très personnelle. En 1977, en pleine furie disco, le groupe Boney M l'expose en face B de son hit "Ma Baker". On peut encore l'entendre par Raibow, le groupe de Ritchie Blackmore, ainsi que par Minimal Compact et Gregorian, plus récemment. Le single est lancé comme une double face A et il monte de nouveau dans les premières place des charts anglais, "Still I'm Sad" bénéficiant d'une notoriété qui efface un peu l'autre hit. Par contre, il est franchement boudé par les américains où "Evil Hearted You" ne sort pas en single, l'autre figurant comme face B d'un futur single. |
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Dans d'autres pays on profite de publier ce qui ne l'a pas été avant. Ainsi l'Allemagne se fend d'un EP avec les deux premiers hits ainsi qu'un rappel des fameuses premières sessions "Boom Boom" et "Honey In Your Hips". Ces deux derniers feront également l'objet d'un single un peu plus tard, en parallèle avec une édition hollandaise. Il seront publiés sous label CBS et non Epic. La pochette du EP reprend la photo de l'édition allemande du "Five Live Yardbirds". Toujours en Allemagne, on se rappelle soudain des bandes enregistrées avec Sonny Boy Williamson. Un LP sur label Star-Club est édité, il verra le jour également en Angleterre et aux USA. Dans ce dernier pays, il manque encore quelque chose, la présence des Yardbirds sur son sol. Il faut dire que les Ricains sont un peu jaloux de l'invasion des artistes du vieux continent. Dans une certaine mesure, ils font du protectionnisme, réclamant une contrepartie sous forme d'un échange d'artistes américains jouant en Angleterre. Les Yardbirds ne seront pas les seuls lésés. Finalement, au mois d'août, il peuvent se rendre en Amérique, après avoir mis à feu le Richmond Jazz Festival edition 65. Disons qu'ils y sont plus tolérés qu'invités de marque. Il peuvent juste assurer le minimum, sans concerts dans les grandes salles. D'une certaine manière, il peuvent remercier les obscurs fontionnaires de l'immigation, car si on ne peut pas contenter les foules, il n'est pas interdit de travailler en studio. C'est justement ce travail qui va voir naître quelques moments essentiels de leur légende, parmi les plus inoubliables. A Hollywood eurent lieu des sessions qui restent inédites à ce jour. On parle surtout de versions différentes de titres existants. A Memphis, il rencontrent le fameux Sam Philips, l'homme qui en quelque sorte mit Elvis Presley en lumière. Ceci, c'est pour le côté rock and roll. Mais on oublie souvent qu'il fut aussi un des premiers blancs a attacher une importance capitale à la musique noire. Avant les disques Chess, il enregistra et publia des chansons de Howlin' Wolf. Dans les nouveaux studios de Philips, ils mettent en forme la composition des frères Hugg, "Mr You're A Better Man Than I", côté instrumental. Une maquette fait aussi l'objet d'un enregistrement, le fameux "The Train Kept A Rollin', qui va devenir un classique incontournable de leur discographie. Il est sans aucun doute basé sur la version qu'en fit le Johnny Burnette Trio. Mais la guitare de Beck va littéralement s'envoler vers les hauteurs pour cette démoniaque interprétation. Rappelons que nous sommes seulement au début de l'automne 1965 et que les guitaristes et les groupes qui innovent ne sont pas si nombreux à cette époque. Par manque de temps, les versions définitives verront le jour à New-York, dans les studios Columbia. Tout naturellement, il font aussi un passage dans les studios Chess à Chicago. Pour le moment, ils mettent en bonne voie une autre version de "I'm A Man", sorte d'orgie sonore qui n'a plus grand chose à voir avec celle en public du "Five Live Yardbirds". Jeff Beck est à nouveau magistral et les autres lui collent aux talons. On se demande comment les plombs n'ont pas sautés pendant la prise de son! Cette première visite aux States laisse malgré les ennuis de papiers, un bilan assez positif. Ils peuvent faire une apparition dans le programme TV "Hullabaloo" de réputation mondiale. C'est presque un passage obligé pour les vedettes de toutes catégories qui envahissent les charts américains. Une initiative de leur maison de disques distributrice, Epic, va leur permettre de réaliser un succès inattendu.
Comme nous l'avons vu, le dernier single n'est pas paru ici, raison de plus pour soumettre deux titres à l'appréciation des fans. Ils choisissent la version de "I'm A Man" mise en boite à Chicago, couplée à "Still I'm Sad" en face B. L'accueil est plutôt favorable puisque le disque monte dans le Top Twenty et consolide leur présence auprès du public. L'Allemagne décidera aussi de sortir un single, mais avec "The Train Keep A Rollin" en B. Ce qui en fait, ma foi, une belle pièce dans la discographie originale des Yardbirds.
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