LES MEC OP SINGERS, UNE HISTOIRE BELGE
 
Les Yardbirds mirent à la mode le chant grégorien dans une vision moderne. Quelques mois plus tard un groupe belge, les Mec Op Singers, s'inspirant sans doute de "Still I'm Sad" enregistra dans la même veine "Dies Irae". Ce premier opus ouvrit la voie à une série de titres du même cru. Visite.

 

Un jour de 1966, alors que j'écoutais les derniers tubes programmés par l'émission "Salut les Copains", mon oreille se tendit car l'animateur avait décidé de passer un disque qui ne ressemblait pas à ce qui faisait partie de la production courante destinée à la jeunesse qui se gargarisait du dernier Johnny ou Claude François. Non, l'ambiance y était étrange, un auditeur aurait pu simplement dire : "On se croirait dans une église". C'était un peu cela, mais le son était résolument moderne et chanté en anglais. Je ne sais pas si quelques uns ont fait comme moi, c'est à dire penser que c'était le truc le plus original de la journée. J'ai attendu la fin pour essayer de saisir le nom de l'interprète et le titre. Mon anglais d'alors était bien préhistorique, mais je saisis quelque chose comme "dieirae par les echopsingair". Une fréquentation assidue de la messe m'aurait été plus utile, car il s'agissait en fait de mots latins "dies irae", c'est à dire le "jour de la colère" et je découvris plus tard le disque et l'interprète les Mec Op Singers...
C'est une sorte d'histoire d'amour qui commença ce jour là. L'histoire d'un adolescent qui découvrit un jour quelque chose et qui se le rappellera pour toujours. C'est un peu ma relation avec les Mec Op Singers, (parfois orthographiés Mec-Op) un groupe dont je voudrais savoir tout et dont je ne sais rien ou presque. Ce presque, je vais vous le résumer...

Ces mots furent écrits par votre serviteur, il y a (déjà) quelques temps. Depuis la roue a tournée dans le bons sens. Par le plus grands des hasards, je suis entré en contact avec un vieux routard des sixties, Francis Lacor. A lire ses messages, j'ai bien vite compris que bien des années après il était toujours un fan des Mec Op Singers et ne s'en cachait surtout pas. En fait, son histoire a croisé le chemin du groupe au temps de sa splendeur. Il fut lui-même un membre des Lords Sonics (http://www.retrojeunesse60.com/lords.sonics.html comme bassiste et ils eurent la chance d'enregistrer un disque en 1967. C'est en partageant l'affiche lors de concerts qu'il fit la connaissance des Mec Op Singers. Avec lui j'ai eu un premier éclairage sur ces ténèbres que je tentais de percer. Francis rameuta une partie de ses vieilles connaissances et c'est ainsi que je rencontrai d'autres témoins visuels et auditifs de cette époque dont je citerai Jean-Pierre Allard, un musicien avec de sacrées belles guitares et Alain Vigneron un batteur également membres des Fool Tops, leur histoire ici un groupe qui écuma le France du nord. Ensemble, on échangea des infos et petit à petit je commencai à cerner mieux le sujet.
Le coup de chance définitif vint avec la rencontre virtuelle de Guy Bodart qui fut lui un membre des Mec Op Singers en s'occupant de la guitare rythmique du groupe. Il me parla longuement de tout ce dont il se rappelait, bien que le temps aie dilué pas mal de souvenirs.
Que tous ces musiciens et fans soient vivement remerciés pour le temps qu'ils ont consacré à collaborer à la réussite de cette page. Cette histoire n'est sans doute pas définitive, car je sais que la recherche des autres membres se poursuit. Si vous en connaissez, n'hésitez pas à me contacter et à les avertir que les Mec Op Singers ne sont pas morts. Bien au contraire.

Les Mec Op Singers sont Belges et wallons, région de Namur. Il suivent le circuit traditionnel des orchestres de bal, mais avec l'option moderne. Un première opprtunité s'offre à eux dans le domaine phonographique. Sous le nom de Chats Noirs, parrainés par Marion de la RTB, ils passent à la télé et enregistrent vers 1964 un premier disque resté très obscur"Gardez Le Sourire", qui est en réalité une pub pour le dentifrice Signal. Très vite ils cherchent une nouvelle voie plus en accord avec leurs ambitions musicales et décident dans un premier temps de prendre un nom un peu moins passe partout. C'est ainsi qu'apparaît le nom de Mec Op Singers qui est en fait la contraction de Mechanical Optical Singers. A cette époque le groupe est mené par André Terrasse, bassiste. A ses côtés on trouve Michel Sterkendries, alias Mike Steven ou Stevenly, guitare soliste et chant; Guy Bodart guitare rythmique et chant, ainsi que Francis au chant et Freddy à la batterie. Guy Bodart posède déjà une certaine expérience. Il fut le leader d'un groupe style Shadows, les Cougars, qui passa au Golf Drouot en remportant un prix, le tremplin probablement et se produisit même à l'Olympia.
Pour mettre quelque chose d'original dans leur répertoire, André a l'idée puisée dans un livre de messe, de mettre en travail un chant grégorien "Dies Irae". L'autre idée est d'attribuer à ce chant des paroles qui racontent une histoire de lynchage dont la victime s'adresse à Dieu depuis sa tombe. Ces paroles sont écrites par Mike. Dans un studio bruxellois ils enregistrent cette chanson avec la partie vocale assurée par Mike et les chœurs lancinants par tout le groupe. Le rire sarcastique que l'on entend à la fin du titre est celui de Robert Berry, comédien professionnel au Theatre Royal de Namur et père de Guy Bodart. En fin de compte l'enregistrement est payé de la poche du groupe, bien que le label Hebra accepte de le pubier. Tout s'assemble pour faire de ce disque quelque chose de pas très gai et même franchement morbide. Publié en deux et quatre titres en Belgique, le résultat fut assez encourageant pour une entreprise si peu destinée à un large public. Le EP, publié en France par AZ se vendit assez bien et le titre se classa même dans le hit parade de SLC. Il connut une édition italienne sur Jolly et un artiste maison Andrea Giordana avec les Samurais en fit même une adaptation italienne. Le simple fut également publié en Espagne sur Hispa Vox. Les trois autres titres du EP sont plus dans la routine de l'époque. Un titre beaucoup plus gai, "Summer In Hawai" (chanté par Guy),appel aux plages de cette île, "Pep Pills" est un arrangement sur le "Glory Hallelujah", d'obédience américaine. Un dernier titre "Only Lonely Me" est assez intéressant, échappant un peu à une classification précise. Les éditions belges et françaises sont absolument identiques, pochettes (2 éditions différentes il me semble pour la Belgique) et contenu. Sur la photo des pochettes, prise dans le cimetière de Jemelles, on note la présence d'une fille, Michelle, qui n'est autre que la copine de Mike. Le succès du titre permit même aux Mec Op Singers de faire un séjour à Paris où ils se produisirent à l'Alhambra.
Si les Yardbirds n'avaient pas tenté ce genre d expérience avant eux, les Mec Op Singers seraient sans doute le groupe le plus révolutionnaire de cette année là. Que ceci n'enlève rien à l'originalité de leur démarche, car c'est bien le seul groupe que je connaisse qui aie une carrière presque uniquement basée sur ce genre de musique. Signalons en même temps une initiative qui eut lieu en Italie avec deux groupes, les Bumbers et les Barritas, qui enregistrèrent un véritable petite messe beat avec la bénédiction du clergé italien. Ce n'est en rien comparable avec l'album des Electric Prunes "Mass In F Minor" qui cette fois est plus un disque pop qu'autre chose, bien que la musique soit strictement celle que l'on peut entendre à la messe. A noter en passant un excellent disque enregistré au début des seventies par le groupe argentin Gorrion, "Misa Criola", une messe moitié pop, moitié folk, chantée en espagnol. Un des meilleurs disques du genre. Il existe une édition française. Mais voyons la suite...
Le disque suivant, "A Tramp's Guitar Called Suzy" ne semble pas avoir vu d'édition française. C'est donc sur un nouveau single Hebra sorti fin 66, début 67, que les Mec Op Singers tentent une nouvelle aventure. Le style est assez différent, bien que de la même veine. C'est une sorte de lament, rythme très lent et pesant. Cette fois il n'y a pas de choeurs, mais des guitares, basse et rythmique, qui jouent plutôt dans la gamme de fa que celle de sol, c'est dire la gravité du son dans cette histoire de guitare, de fille et de vie. C'est encore un excellent disque, très original et absolument pas ressemblant musicalement au précédent, si ce n'est par l'ambiance générale. La production est créditée pour les trois premiers disques à un certain P. Pletinckx, un nom que l'on retrouvera lié avec d'autres noms dans les seventies. L'autre face "It Was My Friend" est une adaptation d'un titre de Gilbert Bécaud "C'était mon ami", en hommage à J.F. Kennedy. Les ventes de ce disque sont plus confidentielles sur le plan international. Il a sans doute été seulement publié en Belgique. Guy Bodart quitte le groupe forcé par les obligations militaires. Il reviendra brièvement en 1968 sans se réintégrer définitivement, selon ses désirs. D'après ses souvenirs, et là je manque d'informations pour l'instant, il y a eu plusieurs changements de guitaristes au sein de Mec Op Singers. Il est question de David Dandoy et Claude Passy qui auraient fait partie de l'ensemble, au moins durant les concerts. Toujours selon Guy, c'est un vieux routier du rock belge, Burt Blanca, qui figure sur les enregistrements. studio. Souvent la pochette du disque mentionne "Recorded In London, mais c'est une blague. Quoi qu'il en soit et avec sans doute des imprécisions au niveau de la vérité historique, la carrière phonographique se poursuit.
Le troisième single "Elegy" courant 1967, revient un peu vers le premier dans sa construction. Les choeurs et une guitare aux riffs lents mais acérés, sont à nouveau présents pour accompagner une histoire de bateau qui sombre et d'une centaines de vierges qui gisent par le fond près d'un récif corallien. A nouveau un disque pas très gai et, ma foi, très bon. Même ambiance et pourtant si différent. La face b est un tempo rapide "Catch As Catch Can", un devise sportive transformée en une histoire de tous les jours.
Le quatrième et probablement dernier disque enregistré pour Hebra, "Miserere" est celui qui approche le plus la mythologie du premier. On replonge dans la musique religieuse. Les paroles: "Auschwitz 1944, Hiroshima 1945, Dallas 1963, Memphis 1968" situent très bien le thème de la chanson. Une revue de notre siècle par ses côtés les plus sombres. C'est une supplique adressée aux grands de ce monde, à la limite un disque politique. C'est leur façon à eux d'entrer dans le monde de la contestation, très en vogue en 1968. Cette fois-ci le disque a été publié en France chez EMI.
En 1970, un autre 45 trs a été publié en France chez AZ. Je me rappelle de l'avoir entendu une fois à la radio, c'est d'ailleurs ce qui m'a fait connaître son existence. Son titre principal "Stop The Machine" n'a plus rien de commun avec les débuts. C'est résolument un disque pop, assez commercial. La face b est assez identique avec une voix "téléphonée". Assurément le chanteur est le même, la production différente et un noir fait partie du groupe.
Avec cette publication, la trace phonographique des Mec OP Singers se perd, en tout cas pour moi. Je ne connais pas d'autres disques d'eux, bien qu'il en existe peut-être d'autres. Lors de visites à Bruxelles, j'ai cuisiné les vendeurs de collectors. Aucun n'a pu me confirmer l'existence de publications que je ne connaissais pas. Tout au plus l'un croyait qu'il existait un LP de compilation publié dans les seventies. Je n'en ai jamais eu confirmation.
Par contre ce qui est sûr, c'est que dans les années 70, le groupe donnait toujours des concerts, auquels participait parfois Guy Bodart. Ce dernier parti vivre aux USA, avait même l'intention de les faire venir dans son pays d'adoption, pour de nouveaux enregistrements. Le projet tourna court suite au décès de Mike Stevenly lors d'une opération en 1977.
Le temps a passé, les Mec Op singers aussi, mais ils font partie de la légende des sixties. S'il ne peuvent prétendre à un culte égal à ceux des très grandes vedettes, leur nom n'est pas tombé dans l'oubli pour autant. Ils ont même une certaine aura auprès des fans branchés sur ce que les sixties ont laissées d'un peu insolite et surtout d'original. Ce n'est sans doute pas la partie de l'iceberg la plus visible, mais c'est assurément la plus adulée par les vrais nostalgiques.

Je voudrais lancer appel à tous ceux qui ont connu le groupe, qui possèdent des documents, qui seraient en relation, qui connaîtraient un des membres, de m'aider à compléter mes informations ou de me mettre en communication avec les personnes concernées par mon appel. La page des Mec Op Singers ne demanque qu`à grandir. Merci d'avance.

Merci encore à Guy Bodart, Francis Lacor, Jean-Pierre Allard, Alain Vigneron.

Discographie
Belgique
45 tours simples
1966 - Dies Irae/Summer In Hawai. Hebra 365. Pochette photo
1967 - A Tramp's Guitar Called Suzy/It Was My Friend. Hebra 371. Pochette photo
1967 - Elegy/Catch As Catch Can. Hebra 395. Pochette photo
1968 - Miserere/Serenade To Mr. Pathelin. Hebra 432. Pochette photo
45 tours EP
1966 - Dies Irae/Pep Pills/ Summer In Hawai/Only Lonely Me. Hebra. Pochette photo.
France
45 tours simples
1968 - Miserere/Serenade To Mr. Pathelin. Stateside FSS 617 1968. Pochette photo.
1970 - Stop The Machine/Tomorrow. Disc AZ SG 121. Pochette photo
45 tours EP
1966 - Dies Irae/Pep Pills/ Summer I n Hawai/Only Lonely Me. Disc AZ 1071. Pochette photo.

Réédition 2004
Seule possibilité d'écouter en CD les quatres titres du EP 66 français

Dies Irae/Pep Pills/ Summer I n Hawai/Only Lonely Me.
CD Magic records. Reproduction de la pochette originale format CD


Le EP AZ de 1966
Le simple belge sur Hebra
Second simple sur Hebra
Troisième simple Hebra
Quatrième simple Hebra
Simple AZ de 1970  
 
Simple Espagne avec Dies Irae
EP Hebra pochette différente