Il y a des groupes qui passent comme des météores sous le feu des projecteurs. Admirés le temps d'un hit, ils retournent à l'obscurité d'où seules quelques âmes nostalgiques se chargent de temps en temps de faire rejaillir un peu de lumière. Si ces dernières jouent ce jeu macabre, c'est qu'elles n'ont pu tout à fait condamner au néant cette flamme qui les éclaira un instant. Sur l'autel des Anges déchus plane parfois une fumée née de cette lueur, celle des Smoke et de leur ami Jack.
Personnel: Geofy Gill (batterie); Malcolm Luker (guitare); Mick Rowley (chant); John Zeke Lund (guitare, orgue,sitar).
Une première mouture des Smoke vit le jour sous le nom de Shots. C'est un petit groupe dans la lignée R'n'B comme il y en a tant en 1965 dans la puritaine Angleterre. Ils ont la chance de pouvoir enregistrer un disque chez Columbia "Keep Hold Of What You've Got" / "She's A Liar". Le disque ne sort pas de l'obscurité et ils perdent leur guitariste, Phil Peacock. Ils continuent à quatre et se cherchent un style plus personnel. La tendance en 1966 est au style mod dont les Who sont un des incarnations les plus connues. Par rapport à la génération des rockers, les mods appartiennent à une jeunesse plus dorée qui ne se contente pas de l'essentiel, mais d'un certain confort matériel, aussi une pensée plus philosophique. On approche de la contestation qui va enflammer les campus du monde occidental. Au premier coup d'oeil, on peut remarquer un mod à son habillement. En général vêtu avec recherche, costard excentrique, cravate bariolée, pantalon à carreaux, mocassins, qui à cette époque se vendent en diverses tailles dans les boutiques de Camaby Street. Ne nous étonnons pas si les Smoke adoptent le look de cette jeunesse dont il font partie. Car c'est bien d'un groupe mod dont il s'agit. Pour le côté philosophique ils mettent en boîte un nouveau disque pour Columbia, avec qui ils sont toujours en contrat. Ce disque " My Friend Jack " est une allusion "mon ami Jack mange des morceaux de sucre", à peine cachée à la consommation de drogue. Les toxicomanes ont parfois l'habitude d'ingérer les drogues liquides en mouillant un sucre et ces paroles rappellent par trop cette pratique. Les morceaux de sucre couplés au nom du groupe (la fumée) ne manquent pas d'attirer les foudres de la BBC qui interdit la programmation du titre. Ce petit scandale certainement voulu aura une bonne et une mauvaise conséquence. Les nom des Smoke deviendra connu, mais les ventes en Angleterre resteront confidentielles. Le disque en lui-même est un hit potentiel certain. C'est même un très original titre, avec un son saturé obtenu en faisant glisser un harmonica sur les cordes de la guitare. Le vocal est prenant et parfait. Heureusement pour les Smoke, le hit potentiel devient réalité en France et en Allemagne où les radios moins à cheval sur les principes volent au secours du groupe en le matraquant sur les ondes. Ils en vendront des milliers d'exemplaires entre ces deux pays. A l'appel du succès ils émigrent en Allemagne et concentrent la plupart de leurs activités dans ce pays. Métronome, la maison qui les distribue ici, leur consacre le seul 33 tours "It's Smoke Time", un panachage de titres originaux écrits par le groupe avec "My Friend Jack" en point de mire. Un bon album dans l'ensemble. Un extrait de ces sessions servira de deuxième 45 tours "High In A Room" assez décevant quand on est encore sous le charme du précédent. Le troisième simple "Have Some More Tea" en fin 1967, est encore un hit potentiel, leur meilleur titre avec le hit, qui passe à côté du grand succès. Ce titre écrit avec la complicité de Greg Ridiey, futur Spooky Tooth, est le premier pour le label Island. A partir de ce moment là, les Smoke vont mener deux carrières en parallèle, une avec le même nom et l'autre avec celui de Chords Five, le temps de trois simples pour trois labels différents. Seule celle attribuée aux Smoke continuera jusqu'au milieu des seventies, malgré une séparation officielle en 1969. De temps en temps, sous diverses réincarnations, les Smoke enregistreront divers titres pour diverses compagnies, sans jamais renouer avec le succès. La fumée ne se dissipera pas tout à fait, car les fans de Boney M connaissent une chanson qui s'appelle "My Friend Jack" c'est la même et le fait que la machine disco aie enregistré cela n'est pas un hasard. Dans les coulisses les Smoke étaient présents, à la production, à la machinerie. Ce n'est pas sûr, mais le collectionneur des Smoke devrait peut-être inclure tout la discographie de Boney M dans ses achats pour avoir l'intégrale. On n'imagine pas que leurs instruments ont pris la poussière au fond d'un placard.
L'histoire est courte, le temps d'un hit mais pas n'importe lequel, des panaches de fumée ont envahi les oreilles des adolescents tout en piquant leurs yeux. Les Smoke? Smokestack Lightnin' ...

DISCOGRAPHIE ORIGINALE