Les Nashville Teens sont en quelque sorte de parfaits contemporains des Yardbirds. Ils émergèrent dans les charts un peu avant l'avènement des Yardbirds, mais leur règne fut de plus courte durée. Comme bien des combos britanniques de cette époque, ils puisèrent leur inspiration parmi les chanteurs noirs et bluesmen américains, avec un goût assez prononcé pour le rock and roll traditionnel, bien moins présent chez les Yardbirds. Toutefois, leurs titres les plus couronnés de succès sont des arrangements d'une musique exclusivement blanche, crée par un des ténors de Nashville, John D Loudermilk. Avec le recul les spécialistes s'accordent à leur trouver des qualités évidentes et une discographie qui mérite d'être redécouverte
   
Affiche promo US

Ray Philips , chant, harmonica; Arthur Sharp , guitare, chant; John Hawken, piano; John Allen, guitare; Pete Shannon, basse; Barry Jenkins, batterie.

Le nom des Nashville Teens reste à jamais lié a un titre: "Tobacco Road". Issus d'une mouvance R&B dérivée des pionniers anglais comme Alexis Korner ou Cyril Davies, qui canalisèrent la musique noire de Chicago et autres bluesmen américains dans les clubs de l'Angleterre. Bien sûr, ils n'étaient pas les seuls, les Rolling Stones firent cela avec plus de succès et peut-être aussi avec plus génie. Pourtant ils figurent parmi les plus adulés parmi ce que l'on pourrait qualifier de seconds couteaux dans ce style. Ceci n'enlève rien à leurs qualités de musiciens et d'interprètes, ils eurent simplement moins de chance que les grands noms. Ils gagnèrent une réputation certaine de groupe capable de se produire n'importe où et d'accompagner n'importe qui. En général les membres d'un groupe étaient au nombre de quatre ou cinq, eux se mirent à six pour former les Nashville Teens. Ce nom n'a absolument rien à voir avec la musique qui fut l'image de marque de la ville du même nom et capitale de la country music, bien que leurs plus grands succès soient empruntées à un nom très connu là-bas, John D Loudermilk. Le premier goût de succès ne doit rien au fait qu'on leur a ouvert les portes des studios d'enregistrement. Non. Ils sont recrutés comme accompagnateurs de Jerry Lee Lewis qui écume et chauffe à blanc les scènes d'Europe avec son diabolique piano. Le premier témoignage de leur présence est capté sur le fameux live au Star-Club de Hambourg ou réduit en trio, ils servent de faire-valoir au Killer en personne. Ils jouèrent également avec Bo Diddley, Chuck Berry et Carl Perkins et font surtout leurs armes avec du rock and roll et la nuit de Hambourg, comme tant d'autres, semble ne pas vouloir les libérer. Sous l'impulsion de Mickie Most, un producteur qui commence à imposer les Animals, ils partent enregistrer leur premier disque pour Decca, durant l'été 1964.Comme la plupart des artistes de cette époque, il ne se privent pas de puiser chez leurs concurrents américains, matière à faire un disque. C'est justement leur fameux "Tobacco Road" qu'ils mettent en boite, cette chanson n'ayant pas encore rencontré l'adhésion d'un groupe concurrent. Ils ont raison et le disque est immédiatement un succès tant en Angleterre (6ème) qu'aux Etats-Unis (14 ème). Cette chanson à l'origine country issue du répertoire de John D Loudermilk, via les Teens, devient tout à fait digne de figurer dans la lignée des standards de l'époque avec les meilleurs Rolling Stones et autres puristes d'un R&B à la sauce anglaise. Un son saccadé et brouillon fait de ce titre un ancêtre du hard rock. Depuis des dizaines de versions ont vu le jour, bonnes ou mauvaises, elles sont à quelque part un enfant des Nashville Teens.
Très rapidement un autre 2 titres est mis sur le marché avec une autre composition de Loudermilk "Goggle Eye", même recette, tout aussi convaincante. C'est à nouveau un hit en Angleterre (10ème), mais il réussit moins bien en Amérique où il ne monte pas dans le haut des classements. Les Nashville Teens profitent pour effectuer une tournée aux USA, en compagnie des Zombies qui tiennent le haut des charts avec leur inoubliable "She's Not There". London US s'est décidé a publier le seul 33 tours de leur époque glorieuse avec une reprise chantée en espagnol (!) de "La Bamba". Bien sûr, ce qui attire les puristes ce n'est pas ce titre là, mais leurs versions de "Mona", "Hoochie Coochie Man", "Parchman Farm" toutes munies de leur image de marque sonore. Le disque comprend presque exclusivement des reprises ou des titres dont ils ne sont pas les compositeurs. Ce sera un handicap pour la suite de leur carrière. Si l'un ou l'autre des membres écrira un titre, aucun n'aura la potentialité d'un hit certain. Ils devront toujours faire le jeu des reprises, avec parfois de belles étincelles, ou appel à des compositeurs extérieurs. C'est justement le cas du simple suivant "Find My Way Back Home", un de leurs plus grands titres, qui plafonnera dans le bas des charts en Angleterre. C'est un hit raté, la meilleure preuve en sera l'adaptation française par Ronnie Bird ("Fais attention") qui sera l'un de ses plus grands succès. Il est désormais dans la mémoire de tous les auditeurs de SLC, ceux qui étaient à l'écoute en 1965. A défaut d'un album, Decca sortira un EP qui n'apportera rien de plus à leur gloire. Histoire de renverser la vapeur, ils retournent vers le répertoire de John D Loudermilk et mettent en train un autre de ses titres "The Little Bird". Pour les remercier d'avoir trouvé un compositeur qui marche, Decca met en concurrence la version de Marianne Faithfull publiée peu après. Ce sera un gros succès pour elle, tandis que la version des Teens n'émergera pas des profondeurs. Sans cette idiotie, elle aurait sans doute atteint un meilleur score, encore merci Decca.
Avant de passer plus loin, arrêtons-nous un instant sur les membres du groupe. Le personnel mentionné au début de l'article est la formation la plus standard, celle de l'époque des succès. Historiquement parlant ce n'est pas la formation du départ et n'est de loin pas définitive. Le seul membre qui a traversé toutes les époques et qui porte encore le flambeau aujourd'hui est Ray Philips, le chanteur. C'est une grande voix, pas celle d'un chanteur d'opéra, mais d'un timbre particulier et qui colle bien au style du groupe. L'ambiance qu'il entretient dans certains morceaux est absolument fantastique, sa patte est en grande partie responsable du "son" qui se rattache encore à ce nom. Le musicien le plus prestigieux qui fut membre du groupe reste John Hawken, l'homme aux lunettes et le clavier des Teens. Après son départ, il fera partie de Renaissance, première époque, des Strawbs, de Illusion parmi les plus connus. Aujourd'hui il vit aux Etats-Unis. Barry Jenkins, le batteur, fut celui des New Animals de Eric Burdon.. Les autres membres sont plus ou moins retournés à l'obscurité. Dans le personnel de coulisses, les producteurs, citons Mickie Most, bien sûr, mais également Andrew Loog Oldham ( à temps perdu producteur des Rolling Stones!), Mike Leander, Shel Talmy et Vic Smith, pour n'en citer que quelques uns.
Revenons à la carrière. Après l'échec de "Little Bird", les choses iront vers le déclin côté succès discographique. Les disques se suivent sans se ressembler forcément, le seul point commun restant les bides. Dans ce qui aurait pu devenir succès, il faut repêcher "All Along The Watchtower", la chanson de Dylan que l'on retrouve dans la discographie de Jimi Hendrix à la même époque. La comparaison est bien difficile, mais la version des Nashville Teens est splendide, ambiance sinistre à souhait, mais si différente de l'autre. C'est pourtant celle que je préfère, malgré le génie d'Hendrix. Un autre hit loupé, avec un petit air de déjà vu, est le retour aux sources vers John D Loudermilk dont ils reprennent "Indian Reservation", un hit très potentiel. Mais voilà, un certain Don Fardon, ancien chanteur des Sorrows, en a aussi enregistré une version bien avant. Comme par hasard et très soudainement, sa version devient un grand succès au nez et à la barbe des Nashville Teens qui se retrouvent un seconde fois orphelins d'un succès. Pour taper un peu plus sur le clou, la version des Raiders en 1972 sera un monstre hit aux USA deux ans plus tard. J'ai failli en oublier une, devinez qui enregistra en premier le hit de Tom Jones "I'm Coming Home"? Les Nashville Teens? Oui, vous avez raison, même si ce hit est bassement commercial, le succès s'est encore trompé de cible. Mystère insondable des succès et des échecs dans le monde cruel du showbiz. Ils tentèrent aussi d'apprivoiser des compositeurs connus comme Randy Newman ("Biggest Night Of Her Life"), spécialement composé pour eux et Roy Wood des Move (Ella James").
Le seul point positif de cette période semble avoir été un certain succès pour eux dans les pays de l'est où ils tournèrent pas mal. Dans tout cela se cachent des trésors apparus ici et là montrant qu'ils ne se contentent pas de se cantonner dans un style unique. Des relents de psychédélique se cachent dans "Ex Kay One Lx" et cette composition de Ray Philips, "Widdicombe Fair", un ambiance surréaliste, une ligne mélodique compliquée, un piano infernal, un vocal écorché, tantôt rageur, tantôt planant. Quel chanteur! Quel titre! A noter que ce titre existe en deux versions dans leur discographie, une version, moins bonne, sortie sur un simple en Hongrie et celle dont il est question ici, apparue sur le 33 tours New World (Explosive en France) en 1972. N'oublions pas non plus "Sun Dog" face B de "Watchtower", un tempo rapide, très bluesy et excellent.
Nous sommes au tournant des sixties/seventies, pour les trente années suivantes les Nashville Teens seront présents, enregistrant un disque ici et là, le plus souvent avec bonheur, parcourant la route du tabac aussi souvent que nécessaire, riant des mauvais tours que le succès leur a joué, infatigables derrière Ray Philips qui mène le bateau en ramant depuis quarante ans. S'ils sont encore là maintenant c'est qu'ils ont su allumer un feu de joie auprès de leurs fans, dont les cendres resteront chaudes longtemps lorsqu'il se sera éteint.
Les Nashville Teens c'est cela et bien d'autres choses encore. J'en suis un témoin.

DISCOGRAPHIE
Dans cette discographie j'ai sélectionné ce que l'on peut considérer comme la discographie originale en excluant les rééditions et les compilations, très nombreuses, où les Nashville Teens ne figurent que pour un titre ou deux. Je m'en suis tenu à la discographie anglaise et française en incluant certaines pièces intéressantes dans d'autres pays. Pour une discographie complète et les participations voir le site des Nashville Teens avec une discographie très détaillée .

Singles
Tobacco Road/I Like It Like That UK Decca F 11930
Google Eye/T.N.T UK Decca F 12000
Find My Way Back Home/Devil-In-Law UK Decca F 12089 1965
The Little Bird /Whatcha Gonna Do UK Decca F 12143 1965
I Know How It Feels To Be Loved/Soon Forgotten UK Decca F 12255 1965
The Hard Way/Upside Down UK Decca F 12316 1966
Revived 45 Time/Forbidden Fruit UK Decca F 12458 1966
That's My Woman/Words UK Decca F12542 1966
I'm Coming Home/Searching UK Decca F 12580
The Biggest Night Of Her Life/Last Minute UK Decca F 12657 1967
All Along The Watchtower/Sun Dog UK Decca F 12754 1968
All Along The Watchtower/Sun Dog France Decca 79023 1968
The Lament of the Cherokee Reservation Indian/Looking For You UK Major Minor MM5991969
Ella James/Tennessee Woman UK Parlophone R 5925 1971
Train Keeps Rollin'/Tennessee Woman UK Parlophone R 5841 1970
(Sous le nom de Arizona Swamp Company)
Lawdy Miss Clawdy/Let It Rock; Break Up UK Enterprise ENT 001
Tobacco Road (nouvelle version)/Chips and Peas UK Sky 1007 1977
Midnight/Live For Summer UK Go Go 2 1981

EPS
The Nashville Teens
I Need You Baby (Mona)/Parchman Farm/ Bread And Butter Man/ How Deep Is The Ocean
UK Decca DFE 8600
Teenbeat VI
I Need You Baby [Mona]/ Parchman Farm/ Bread And Butter Man/ How Deep Is The Ocean Germany Decca DX 2392 1965
Tobacco Road/ Google Eye/ I Like It Like That/ T.N.T France Decca 457 047 1964
Find My Way Back Home/ Devil-In-Law/ The Little Bird / Watcha Gonna Do
France Decca 457 074 1965

LPS
Tobacco Road
Tobacco Road (version 1); Mona; Need You; Bread and Butter Man; Hurting Inside; Hootchie Kootchie Man; Google Eye (version 1); Too Much; Parchment [sic] Farm; I Like It Like That; How Deep Is The Ocean; La Bamba London LL3407 (mono); PS 407 (stereo) USA 1964
Nashville Teens
Biggest Night Of Her Life; Let It Rock/Rocking On The Railroad; I'm A Lonely One; Chantilly Lace; Day And Night; Ex Kay One LX; Widdicombe Fair; All Along The Watchtower; Lawdy Miss Claudie; Tobacco Road (version alternée); Little Bird ; Break Up; Sun Dog; I'm Coming Home
UK New World NW 6002 1972 France Explosive 1972
Live At The Red House
Keep on Running/Somebody Help Me/Gimme Some Loving; Brought Down; Red House; Mona UK Shanghai HAI 200 1982 Mini LP
The Nashville Teens
Tobacco Road (nouvelle version); Find My Way Back Home (live); Born To Be Wild (live)
UK Butt Records FUNEP 4 1984 Mini LP

1 er EP France 1964
2 ème EP France 1965
Le EP allemand de la série Teenbeat, sans doute l'une des pièces les plus recherchées de la discographie. Equivalent du EP anglais de la même année 1965
Unique LP américain sur London
Le simple français de 1968
Single anglais de 1981
Le site officiel des Nashville Teens
Le site officiel de
John Hawken

Une vidéo sixties avec les Nashville Teens et
Tobacco Road
C'est à Shindig et ce n'est pas du play back!

Deux clips moins connus
WHATCHA CONNA DO
POOR BOY